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LIBERTÉ D’ACTION : Le licenciement postérieur à une action en justice du salarié n’est pas nécessairement nul

By 3 janvier 2021No Comments

La Cour de cassation vient de préciser de manière claire que la concomitance d’une action en justice et d’un licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté d’agir en justice (Cass. Soc., 4 novembre 2020, n°19-12.367). 

  1. Le licenciement prononcé suite à l’introduction d’une action en justice par le salarié peut être nul

Depuis quelques années, la Cour de cassation juge que le licenciement prononcé en réaction à une action en justice d’un salarié contre son employeur est nul, car il méconnait la liberté fondamentale d’agir en justice (Cass. Soc., 16 mars 2016, n°14-23.589).

Dans cette hypothèse, le salarié licencié pourrait réclamer :

  • Soit sa réintégration, avec le versement des salaires perdus entre son licenciement et sa réintégration (Cass. Soc., 25 janvier 2006 n° 03-47.517) ;
  • Ou, à défaut de réintégration, une indemnité pour licenciement nul, dont le montant ne peut être inférieur à 6 mois de salaire (et donc un déplafonnement du barème prud’homal).

La difficulté réside toutefois dans la preuve à rapporter du lien de causalité entre l’action en justice et la rupture du contrat de travail.

2. Les règles en matière de charge de la preuve

Dans certains cas, les règles en matière de charge de la preuve diffèrent du droit commun, où il incombe au demandeur d’apporter la preuve au soutien de ses prétentions : c’est par exemple le cas en matière de harcèlement ou d’heures supplémentaires.

S’agissant de l’hypothèse d’un licenciement prononcé à la suite d’une action judiciaire, la Cour de cassation a précisé que :

  • Si la lettre de licenciement reproche expressément au salarié l’action en justice qu’il a intentée, la rupture est nécessairement nulle (Cass. Soc., 9 octobre 2019, n°18-14.67);
  • Si le courrier de licenciement ne mentionne rien, les juges du fond doivent d’abord rechercher si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 9 octobre 2019, n°17-24.773). Si oui, le salarié doit alors démontrer le lien entre son licenciement et son action en justice. Si le licenciement est abusif, c’est à l’employeur de démontrer l’absence de lien de causalité entre sa décision et l’action du salarié (Cass. Soc., 5 décembre 2018, n°17-17.687).

La Cour de cassation vient de préciser, dans l’arrêt rendu le 4 novembre 2020, que le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer l’atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

La Haute assemblée vient de confirmer sa jurisprudence lorsque l’action du salarié n’est pas mentionnée dans le courrier de licenciement. Cependant, l’atteinte de l’employeur à la liberté d’action du salarié est, en pratique, très difficile à démontrer. En l’espèce, deux salariés ont été licenciés trois semaines après avoir engagés une action en référés. Les juges ont considéré qu’ils ne démontraient pas le lien entre leurs licenciements et l’action en référés intentée.

La jurisprudence tend à protéger l’employeur en s’opposant à l’automaticité du lien de causalité, et ce au détriment des salariés lésés. En effet, la démonstration de la causalité est presque impossible, à défaut d’écrits ou de témoins d’une conversation au cours de laquelle l’employeur aurait reconnu que le licenciement ferait suite à l’action en justice.

Ces licenciements font l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond dont l’issue dépendra des preuves que le salarié pourrait être en mesure d’apporter. En toute hypothèse, le salarié pourra, à défaut, obtenir la reconnaissance du licenciement abusif.