Les forfaits en jours ne cessent d’être régulièrement au centre de l’actualité juridique sociale. Les juridictions invalident régulièrement certaines dispositions conventionnelles relatives à la mise en place des conventions de forfait en jours en s’appuyant généralement sur le non-respect des règles de suivi de la charge de travail. Récemment, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’appréciation du critère d’autonomie d’un salarié non cadre bénéficiant d’une convention de forfait en jours.
- Les conditions pour bénéficier d’une convention de forfaits en jours
Les forfaits annuels en jours s’adressent :
- aux cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps et,
- à certains salariés non cadres devant également disposer d’une réelle autonomie.
Pour cette dernière catégorie, selon l’article L. 3121-58 du Code du travail, seuls les salariés bénéficiant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année ((article L. 3121-58 du Code du travail)).
L’accord collectif qui met en place ce dispositif d’aménagement du temps de travail doit déterminer les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ((article L. 3121-64 du Code du travail)).
Par ailleurs, et pour rappel, la mise en place du forfait annuel en jours est subordonnée à la conclusion d’une convention ou d’un accord collectif le prévoyant et d’une convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné.
Ainsi, pour les salariés non cadres, le critère d’autonomie est indispensable pour bénéficier d’un forfait en jours.
Récemment, la Cour de Cassation a rendu une décision de justice dans laquelle elle se prononçait sur l’incompatibilité d’un système de contrôle du temps de travail d’une entreprise et la conclusion pour les salariés non cadres d’une convention de forfait en jours.
- 2. L’autonomie du salarié
En l’espèce, un salarié (au statut d’agent de maîtrise), soumis à une convention de forfait annuel en jours, était soumis à une obligation de pointage lors de son travail en usine, 4 fois par jour, en application du règlement intérieur.
Les relevés de pointage reprenaient par journée l’heure d’arrivée, de pause, de reprise et de départ du salarié.
Cela permettait pour l’employeur le décompte d’une demi-journée ou d’un jour de travail au titre du forfait jour des salariés.
En appel, les magistrats ont jugé nulle la convention de forfait en jours et ils ont fait droit aux demandes de rappels d’heures supplémentaires présentées par le salarié.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par l’employeur en relevant que le salarié était soumis à une obligation de pointage lors de son entrée dans l’usine, pour chaque demi-journée de présence, donnant lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivée et de départ et le nombre d’heures travaillées, et qu’une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser 6 heures de présence dans l’entreprise.
La Haute Assemblée en a déduit que le salarié ne disposait pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours ((Cass. Soc., 7 juin 2023, n°22-10.196)).
Attention, cette décision n’invalide pas de façon générale les conventions de forfait en jours dans les entreprises dotées d’un système de pointage.
La difficulté dans cette espèce reposait sur le fait que les salariés devaient comptabiliser six heures de présence par jour, ce qui est contraire à l’autonomie nécessaire pour les salariés au forfait en jours.
En effet, ces derniers doivent s’organiser librement au cours des journées travaillées et moduler, selon leurs besoins professionnels, leur temps de travail.
Cet arrêt illustre également les sanctions encourues par l’employeur dans de tels cas.
- 3. Les sanctions
Lorsque la convention de forfait en jours ne respecte pas les conditions légales, le salarié peut alors en solliciter la nullité.
Dans ce cas, le salarié est alors réputé soumis à la durée légale du travail (35 heures hebdomadaires) et il peut solliciter le paiement de ses heures supplémentaires.
Cette action est soumise à la prescription triennale ((Cass. Soc., 30 juin 2021, n°18-23.932)).
Dans certains cas, et si les conditions sont remplies, le salarié pourrait également solliciter une indemnité pour travail dissimulé. Attention, cette demande aboutit rarement devant les juridictions qui apprécient strictement les conditions légales.